Challenges titre : « Sarkozy en guerre avec la « Manif pour tous »… »

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En annonçant dans son livre qu’il ne reviendra pas sur la loi Taubira sur le mariage homosexuel, le chef des Républicains s’est attiré les foudres de la Manif pour tous et de Sens Commun…

Figure emblématique du combat contre le mariage homosexuel, l’ex-député et ministre Christine Boutin, l’a aussitôt exécuté, d’un mot, d’un seul : « RENIEMENT ». Sa cadette, Ludovine de la Rochère, égérie de La Manif Pour Tous, ce mouvement aussi populaire que réactionnaire, n’a pas tardé à cogner : « CONSTERNATION-REVIREMENT-INCONSTANCE-INCOHÉRENCE ». Quant au député de la Drôme, Hervé Mariton, ultra engagé dans la lutte anti-mariage pour tous et candidat déclaré à la primaire présidentielle de la droite, il s’est lui aussi contenté d’un mot, un mot inusité en politique : « PARJURE ». Qui visent-ils avec autant de force, de colère, de passion ? Nicolas Sarkozy ! L’ex-président jusque-là soutenu, défendu, porté quelquefois aux nues, par les composantes « catho tradis » de la droite républicaine. Elles viennent pourtant de le lâcher en rase campagne. D’alliés fidèles, il s’est fait des ennemis sans doute irréductibles. Il aura suffi pour cela de quelques lignes dans son livre, La France pour la vie, à paraître lundi 25 janvier.

Retour à une conception libérale de la société et de ses évolutions

Citation : « Jamais je n’ai eu l’intention de contester la légitimité du mariage homosexuel. Il ne sera donc pas question de démarier les mariés ou de revenir en arrière sur le principe du mariage homosexuel. J’avais pensé à l’époque que les ambiguïtés de la loi Taubira sur certains points imposeraient une nouvelle rédaction. A la réflexion, je crains que, compte tenu de l’état de tension et de division de la société française auquel a abouti la méthode François Hollande, le remède soit pire que le mal. Je ne souhaite donc pas qu’on légifère à nouveau, parce que la priorité doit être de rassembler les Français. C’est un point sur lequel, je l’assume, j’ai évolué » (pages 156 et 157).

Enfin ! Nicolas Sarkozy enfin raisonnable. Nicolas Sarkozy enfin recentré. Nicolas Sarkozy enfin libéré de l’idéologie sociétale authentiquement rétrograde dont il s’était imprégné, en particulier sous l’influence de son ex-conseiller Patrick Buisson. Une telle imprégnation était d’autant plus curieuse, contre-nature que l’ex-président, au plan des mœurs, a le plus souvent défendu une conception libérale de la société, de ses évolutions. Sur ces sujets, Sarkozy s’est toujours éloigné des réactionnaires étroits et bornés. Retour aux sources, donc. Sauf que le postulant à la primaire ne peut pas avoir oublié une réunion bien particulière, le 15 novembre 2014, quand il menait campagne pour conquérir la présidence de l’UMP. Par avance, Nicolas Sarkozy savait  qu’il prenait un risque politique et électoral considérable en se retournant de la sorte à propos du mariage homo.

Des conséquences à long terme d’une réplique non réfléchie

Ce 15 novembre 2014, Nicolas Sarkozy recevait donc les militants de Sens Commun, un mouvement  issu de la Manif pour Tous. Face à eux, il s’engage  à une « réécriture de fond en comble de la loi Taubira ». Cela ne suffit pas aux « durs » de Sens Commun et d’ailleurs dans son livre, un an et demi plus tard, Sarkozy avoue son étonnement : « La dureté des échanges m’a stupéfié ». Ils hurlent en effet « abrogation, abrogation » et Sarkozy a toujours mal supporté qu’une salle lui résiste, ça l’énerve et il s’agace, il réplique, mais mal parce que colérique : « Si vous préférez qu’on dise qu’il faut abroger la loi pour en faire une autre… En français, ça veut dire la même chose… Mais enfin, si ça vous fait plaisir, franchement ça coûte pas bien cher ». Réplique mal venue, d’un piètre niveau, indigne en réalité de la qualité de Nicolas Sarkozy. Ce jour là, ses nerfs ont lâché face aux militants  bien nés et bien élevés de Sens Commun. Pour autant, il ne sait pas que cette sortie malvenue va le poursuivre jusqu’aujourd’hui.

Un porte-parole de Sens Commun n’a évidemment pas tardé à réagir, jouant entre trahison (culturelle) et sanction (électorale) : « Ce virage à 180° est déplorable. Soucieux de promouvoir le respect de la parole donnée, Sens Commun ne soutiendra pas la candidature de personnalités politiques qui ne tiennent pas leurs engagements jusqu’au bout ». Voilà Sarkozy mis au rancart par un électorat qui, pour la primaire, lui était en principe acquis. Un nouveau mauvais point. Une sanction politique qui n’avait pas été anticipée, « un très mauvais calcul calcul », persifle Ludivine de La Rochère.

Nombreux sont les lecteurs de Nicolas Sarkozy qui s’arrêteront, quelque peu interloqués sans doute, à cette remarque, page 234 : « J’ai beaucoup pensé à cette question de la parole donnée, de la valeur de ses engagements, de la crédibilité du propos que l’on tient. Le sujet est absolument central ». Certes, mais la pratique de Sarkozy pour le moins … complexe. D’où cette remarque acide de l’éditorialiste politique du Figaro, Guillaume Tabard, un proche, un sympathisant de la Manif pour tous : « Rien ne l’obligeait à s’engager si nettement ». Les répliques de Nicolas Sarkozy vont parfois plus vite que sa réflexion. Ça peut provoquer des dégâts et c’est une fois encore le cas.

La double morale de cette mini- affaire : en politique, quand ça va mal, tout va mal ; en ce moment, même quand Nicolas Sarkozy a raison, il finit par avoir tort. Ça finira – sans doute – par passer…

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