Loi bioéthique: «Le père ne sera plus un élément permanent de la filiation»

Publié le

TRIBUNE par Clotilde Brunetti-Pons – Le Sénat examine aujourd’hui, en nouvelle lecture, le projet de loi bioéthique, avant son adoption définitive par l’Assemblée le 29 juin. Le droit, pour les couples de femmes et les femmes célibataires, de recourir à la PMA aura des conséquences sur les principes fondateurs du droit de la filiation, argumente la maître de conférences.

Déposé en 2019, le projet bioéthique n’a pas convaincu le Sénat. Après en avoir proposé une autre version que l’Assemblée nationale en première lecture, le Sénat a eu le courage, début février 2021, de refuser plusieurs pans de la réforme, dont le droit de recourir à la PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires. La commission mixte paritaire fut un échec. Le point d’achoppement est le suivant: le texte voté en deuxième lecture par l’Assemblée – mais rejeté par le Sénat sur ce point – remet en cause notre droit de la filiation. De nombreux juristes l’ont souligné. Sourds à la sagesse des sénateurs, les députés ont cependant encore voté les articles en cause la semaine dernière pour la troisième fois. La procédure n’est pas achevée. Le Sénat doit se prononcer sans posséder, toutefois, les mêmes marges de manœuvre qu’auparavant. Puis aura lieu l’adoption définitive du projet de loi par l’Assemblée la semaine prochaine. Il est encore temps d’alerter.

La communication du gouvernement sur le projet bioéthique n’a jamais fait état d’une réforme de la filiation. Pourtant, dans son étude adoptée en assemblée générale le 28 juin 2018, le Conseil d’État, s’il prenait le contre-pied de son avis antérieur et n’excluait plus la PMA pour toutes, soulignait que la solution proposée «conduirait à une remise en cause des principes fondateurs du droit de la filiation fixés par le titre VII du livre I du code civil qui régit l’ensemble des situations» (étude adoptée en assemblée générale le 28 juin 2018). Les discours officiels qui s’ensuivirent se gardèrent bien de le mentionner.

De quoi est-il question, précisément? En cas d’assistance médicale à la procréation (AMP) avec donneur, la filiation paternelle pourrait, selon le cas, tantôt se voir substituer une deuxième maternité, tantôt être purement et simplement éliminée (articles 1 et 4 du projet de loi). Afin de créer une relation entre la femme qui n’a pas accouché et l’enfant conçu par assistance médicale à la procréation, le Sénat proposait d’emprunter la voie de l’adoption (Titre VIII, livre I du code civil). Dans la version retenue par l’Assemblée nationale, ce lien serait fondé sur une déclaration conjointe devant notaire remise à l’officier de l’état civil pour établir la filiation à l’égard de la «co-mère». Bien que cantonnée au domaine de l’assistance médicale à la procréation, cette innovation serait insérée dans le titre régissant le droit commun de la filiation (Titre VII, livre I du code civil).

Lire la suite sur le site de Le Figaro