Anne-Marie Le Pourhiet – Marchons Enfants ! – 6 octobre 2019

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Intervention d’Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public, lors de la grande manifestation « Marchons Enfants ! » du 6 octobre 2019, organisée par plus de 20 associations partenaires, contre la PMA sans Père et la GPA.

Discours intégral

Seul le prononcé fait foi

Le 14 juillet 2004 le Président de la République Jacques Chirac, répondant à une question d’un journaliste sur le mariage homosexuel, écartait d’un revers de main ce qu’il qualifiait de « parodie de mariage ». Il avait trouvé le mot juste, décrivant exactement ce dont il s’agit : une parodie.

Pourtant, des gouvernants moins lucides et plus clientélistes, ont décidé en 2013 d’inscrire ce simulacre dans le Code civil. Nous savions bien, dès lors, que ce premier acte en entrainerait immanquablement d’autres en cascade. Nous voici donc à l’acte 2, la parodie de filiation : d’un côté Mère 1 et Mère 2, de l’autre Mère et Personne. La tyrannie sociétale dans toute sa violence conduit à éliminer volontairement de la filiation et de l’éducation d’un enfant une masculinité encombrante qualifiée de « toxique » par les militantes. Au point où l’on en est dans le relativisme, on se demande pourquoi les docteurs Faust qui nous gouvernent n’autorisent pas directement le clonage reproductif qui éliminerait d’emblée toute altérité. Ce sera sans doute l’objet d’une prochaine révision de la loi bioéthique, après l’acte 3 à venir sur la GPA.

Le législateur français ne pourra plus nier, après ce texte, avoir consacré, organisé et même financé un « droit à l’enfant » incluant un « droit au sperme sans contact » que le service public aura l’obligation de récolter en quantité et qualité suffisantes pour satisfaire la demande. Les suites mercantiles sont faciles à imaginer pour faire face à ce qu’elles appellent déjà la pénurie de « stocks ». Tout ceci porte un nom : l’asservissement de l’homme par l’homme, la libre disposition et la réification d’autrui au nom d’une seule loi : celle de l’ego narcissique.

En 1994, à propos des premières lois bioéthiques, le Conseil constitutionnel s’était appuyé sur les termes solennels du préambule de notre Constitution condamnant les expériences nazies pour affirmer que « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ». Il avait alors jugé que la loi de 1994 réservant notamment la PMA aux cas de stérilité médicalement constatée « mettait en oeuvre » ce principe. La logique voudrait sans doute qu’il censure aujourd’hui l’abandon des règles posées en 1994 comme contraire au principe de dignité. Mais ne nous faisons pas d’illusion, la logique comme la raison ont déserté nos institutions.

Aimé Césaire affirmait : « Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde ». Il importe donc pour notre conscience civique que nous soyons là aujourd’hui : pour dire « non » tout simplement.