FIN DE VIE : L’avis de la Convention Citoyenne par le Syndicat de la Famille

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DÉCRYPTAGE : LE HASARD N’EST PAS GAGE DE BONNE RÉFLEXION !

La Convention citoyenne sur la fin de vie a rendu il y a quelques semaines ses conclusions, largement favorables à la mise en place d’une « aide active à mourir ». Juste avant, la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti de l’Assemblée nationale, dans son rapport final, invite les parlementaires à réfléchir à un nouveau droit pour les personnes malades mais qui ne sont pas, à court terme, en fin de vie.

Lundi 3 avril, juste après la publication de son rapport, la Convention citoyenne est reçue par le Président Macron. Le timing est parfait ! Pendant plusieurs mois, ces citoyens, tirés au sort, ont réfléchi, sous la houlette du CESE (Conseil économique, social et environnemental) à la manière dont nous mourons en France et à la « nécessité » d’une évolution législative.

Les conclusions de la Convention seront, dès lors, la pierre angulaire du projet présidentiel. « Voyez, des citoyens neutres, car tirés au sort, sont favorables ! »   À partir de là, c’est tout le système politique qui va se plier à la volonté de ses « parfaits » citoyens.

« Nous sommes 184 citoyennes et citoyens tirés au sort, riches d’une diversité d’origines, d’expériences et d’opinions. Nos constats et nos propositions sont issus d’un exercice collectif et démocratique ».
C’est ainsi que commence le rapport. Comment ne pas, dans un premier temps, flatter cet exercice démocratique. Des citoyens, réunis pour discuter et débattre sur un sujet qui touche chaque personne.

Cependant, nous ne sommes pas dupes de ce jeu de rôle ! Comme à chaque réforme sociétale, l’Exécutif orchestre des débats, des commissions et des rencontres pour « dialoguer ». Pourtant, c’est finalement toujours la volonté de l’Exécutif qui s’impose. Mais entre-temps, les oppositions peuvent se satisfaire d’avoir joué leur rôle, peu leur importe – souvent – le résultat.

Comme dit le poète, « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface » et il s’avère que la forme est biaisée.

D’abord sur la manière : le tirage au sort est un mépris de nos institutions. Il n’est en rien gage de légitimité. Notre régime politique légitime la représentativité, et donc la souveraineté, par l’élection et non par le hasard.

Ensuite, le cadre dans lequel les citoyens évoluent : le CESE, comme toutes les institutions, est irrigué par de forts courants idéologiques. D’ailleurs, certains citoyens estiment eux-mêmes avoir été « manipulés ».

Certains diront que cette Convention n’est qu’un premier étage et que le débat aura lieu au parlement. Très bien, mais le système politique est imparable, car les parlementaires se réfèreront en permanence à cette Convention. Encore plus sur un sujet aussi sensible.  Ils diront tous qu’ils écoutent les citoyens, en faisant référence à la Convention. Peut-être que l’impact décisionnel de cette Convention est faible, mais l’impact politique est immense !   

Sachant le caractère idéologique du CCNE, il n’est pas possible de penser que la réflexion s’est faite avec une méthode honnête sur le plan intellectuel.

Un biais idéologique se retrouve largement dans le rapport : de manière générale, il repose sur trois raisons (voir ci-dessous) qui ne sont malheureusement pas approfondies avec l’exigence qu’imposent ces sujets, engendrant de nombreuses contradictions. En comparaison, le travail de la mission d’évaluation de l’Assemblée nationale sur la loi Claeys Leonetti est d’un tout autre niveau (même s’il n’est pas mieux idéologiquement).

Toutes les contradictions se retrouvent dans la synthèse de ce rapport où nous pouvons lire : « Au terme de débats nourris et respectueux, la Convention citoyenne s’est positionnée majoritairement en faveur d’une ouverture de l’aide active à mourir pour les raisons suivantes : respecter la liberté de choix de chacun ; combler les insuffisances du cadre d’accompagnement actuelmettre fin aux situations ambiguës constatées. »

« Respecter la liberté de choix de chacun »

C’est l’argument de la liberté qui est toujours revendiqué : la toute-puissance de l’homme face à sa vie. « Au nom de ma libre détermination, j’ai le droit de choisir ma mort ». Ce primat de la liberté sur la vie des hommes est au cœur de la société contemporaine. Pourtant, quelques pages plus loin, pour rassurer, le rapport affirme que le suicide assisté ne sera proposé que dans des situations très précises, avec un accompagnement important, afin de répondre à des situations de fortes souffrances.

Mais le positionnement que propose la Convention citoyenne est intenable : si nous avons le suicide assisté au nom de la liberté de choix, nous ne pouvons pas le cantonner à des critères médicaux. Dans cette logique, il ne sera pas possible de refuser l’euthanasie à une personne qui ne souhaite plus vivre et qui n’a néanmoins pas de problème de santé. Au nom de sa liberté de choix, il faudra accepter. C’est exactement le cas de la Belgique, qui a élargi de plus en plus ses critères.

Ouvrir cette porte sous la logique de la liberté, c’est en fait supprimer tous les critères possibles. Il n’est pas possible de faire subsister un critère de sélection si la démarche globale est motivée par la liberté.  

Nous ne pouvons pas vivre comme une somme d’individus indépendants, notamment sur ces questions. Chaque décision qui revêt un enjeu social impact toute nos proches, notre entourage et donc toute la société. 

« Combler les insuffisances du cadre d’accompagnement actuel, mettre fin aux situations ambiguës constatées. »

La deuxième raison qui pousse la Convention citoyenne à défendre le suicide assisté, c’est l’insuffisance de la situation actuelle ainsi que celle, d’après elle, de la loi Claeys-Leonetti.

Depuis de nombreuses années, les soignants et les associations de patients dénoncent un système de soin palliatif qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu et de l’application de la loi. Comme le montre le rapport de la mission d’évaluation de l’Assemblée nationale sur la loi Claeys-Leonetti, les avancées sociales qu’elle devrait apporter ne sont pas au rendez-vous.  Cette inapplication est avant tout le signe d’un manque de volonté politique.

Un grand nombre d’experts insiste sur l’avancée médicale, sociale et humaine que représentent les soins palliatifs. Le gouvernement actuel cherche un modèle français pour la fin de vie et s’égare à le chercher dans le suicide assisté et dans l’euthanasie alors qu’il existe déjà dans les soins palliatifs.

La logique des soins palliatifs est antinomique de celle du suicide assisté. Les soins palliatifs, c’est considérer que la fin de vie est le fait de toute la société. Elle doit être le lieu d’un accompagnement commun entre la médecine et les proches. L’accompagnement doit considérer la personne dans son entièreté. Les soins palliatifs ne sont pas simplement un lieu où la souffrance est traitée. Ils offrent à travers des actes et les rapports sociaux, le sentiment de la dignité. Prendre le temps, pour la personne. Les soignants affirment qu’il y a dans ses unités une intensités de vie supplémentaire malgré la fin de vie qui s’approche. Au fond des choses, les soins palliatifs sont des lieux de profondes humanité, où le patient, dans sa grande vulnérabilité est considéré dans ce qu’il a de plus précieux.

À l’inverse, le suicide assisté, c’est abdiquer l’accompagnement global sous couvert d’une mort soi-disant digne parce qu’elle serait choisie. 

Si nous venons à considérer le suicide assisté comme une option, c’est que notre regard sur l’acte en lui-même est biaisé. Administrer ou aider à administrer la mort n’est pas un soin.  

Dans toutes les études, nous observons que lorsque la prise en charge de la souffrance et de la personne est complète, la demande d’euthanasie disparait. Nous ne pouvons plus nous cacher. Toutes les études le montrent. Il faut affirmer avec force que lorsqu’une personne demande la mort, c’est le signe de notre échec. L’échec de toute notre société. 

Pour « mettre fin aux situations ambiguës constatées », la solution que nous proposent les patients, c’est une prise en charge à la hauteur des enjeux et surtout à la hauteur de leurs attentes.