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Mission d’information sur les causes et les conséquences de la baisse de la natalité en France

Audition du Syndicat de la Famille, 26 novembre 2025

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Madame la présidente,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames, Messieurs les députés,

Je vous remercie de m’auditionner, comme présidente du Syndicat de la Famille, sur cette question majeure de la natalité.

A ce sujet, la mise en parallèle des évolutions démographiques avec celles du contexte politique, sociale et culturel est riche d’enseignements. Certes, la France n’est pas la seule concernée par la chute de sa natalité, mais son calendrier particulier ouvre des pistes pour comprendre.

Je précise, au préalable, que l’enjeu dont nous parlons impose d’être pragmatique et concret. Les observations qui suivent sont des constats factuels.

 

I/ Les facteurs politiques

Au fil des années, la politique familiale a été déconstruite, avec une nette accélération en 2014. Nombre d’intervenants vous l’auront exposé :
– Les principes de la politique familiale ont été abandonnés au profit de ceux d’une politique sociale.
– De nombreuses familles ont été exclues des bénéfices de cette politique, en particulier celles des classes moyennes, qui peinent le plus à accueillir autant d’enfants qu’elles le souhaitent.
– La tendance a été aux économies de court terme : on a en effet oublié que la famille n’est pas une dépense à perte, mais un investissement rentable.
– Une rumeur, sans doute par esprit anti-famille, a diffusé l’idée que la politique familiale serait inefficace, malgré l’expérience, française notamment.

Mais je souhaiterai insister sur un autre aspect : l’impensé qu’est la famille en politique, et l’absence de vision globale.

En effet, nos choix politiques impactent tous la vie familiale, que ce soit en matière de logement, d’école, de transports, de santé et bien d’autres. Les mesures prises rendent le quotidien, et donc l’accueil de l’enfant, plus difficile ou moins difficile.

La loi Climat et résilience, par exemple, est néfaste pour l’accès au logement, sujet majeur pour la natalité.

Et de fait, les études d’impact qui précèdent la présentation des projets de loi en conseil des ministres ne prennent pas en compte la famille !

Il semble, au fond, que la famille intéresse peu nos dirigeants. Et pourtant, 70% des Français vivent en famille ! Et son importance est en outre cruciale pour la société !

En effet, la famille, cellule sociale de base, est irremplaçable pour accueillir et éduquer l’enfant, pour lui apprendre le respect et la solidarité, pour lui donner la capacité de s’instruire, pour le préparer à être un adulte inséré dans le monde du travail et la société. Elle est bien sûr aussi irremplaçable comme moteur de l’économie, etc.

Ce désintérêt est d’autant plus étonnant que la famille est plébiscitée par les Français !

Il résulte de cet impensé et de cette absence de vision globale des erreurs d’appréciation :

1. Les familles bi-parentales sont les grandes oubliées depuis les années 2010

Les familles monoparentales focalisent l’attention des responsables institutionnels et politiques et c’est une bonne nouvelle car elles ont besoin de la solidarité de tous.

Mais si on oublie les familles bi-parentales, on met de côté les familles les plus susceptibles d’accueillir un ou des enfants de plus.

2. La politique familiale est devenue instable, mais aussi illisible

Or ces dérives vont à l’encontre du besoin de clarté et de sécurité dont les futurs parents potentiels ont besoin.

3. La confusion des objectifs

Dans un objectif d’égalité, il a été décidé – sans aucune consultation des familles – que les deux parents devraient prendre successivement un congé parental s’ils veulent en bénéficier jusqu’aux 3 ans de l’enfant. Sans cela, le congé est réduit d’une année, chaque parent n’ayant droit qu’à 24 mois maximum.

Or c’est un échec complet du point de vue de l’égalité puisqu’après 2015, comme avant, 96% des allocataires sont des mères.

Et cette réduction, dans les faits, de la durée du congé parental a entraîné une chute de plus de la moitié du nombre d’allocataires en moins de 10 ans.

De fait, cette contrainte a compliqué l’organisation du quotidien, ce qui est défavorable à la natalité. L’Etat a oublié que chaque couple a ses contraintes propres – en trajets, en horaires, en activités professionnelles, etc. Cette obligation de répartition va de fait à l’encontre du vœu de 84% des parents suivant le sondage IFOP d’août 2025 : « les modes de garde et la vie des parents de jeunes enfants ».

Et comme les futurs parents potentiels ont peur de ne pas trouver de mode de garde aux deux ans de l’enfant, et donc peur que l’un des deux ait à démissionner de son emploi, ils ont été nombreux à renoncer à ce congé, voire à renoncer à l’enfant.

Mais 10 ans après la mise en place de cette mesure, que l’on devrait urgemment abandonner, on devrait aussi s’interroger : pourquoi a-t-on toujours 96% de mères parmi les allocataires alors que, entre-temps, l’écart salarial homme-femme s’est réduit ? Ne serait-ce pas parce que, tout simplement, des mères – pas les mères, des mères – désirent s’occuper quelque temps de leur enfant, ce dont témoignent des enquêtes, comme celle que je viens de citer ?

Ne faudrait-il pas le prendre en compte au lieu de lutter contre, pour des raisons idéologiques, et ce, au détriment de leur liberté et de la natalité ?

 

II/ Les facteurs sociaux

L’épuisement des mères

Je poursuis sur les mères qui, massivement, témoignent de leur épuisement. Au point de renoncer à l’enfant de plus qu’elles désirent pourtant.

L’une des périodes la plus chargée pour les parents est la petite enfance : les premières semaines sont éreintantes ; les petits sont souvent malades ; la crèche et la maternelle ont leurs journées pédagogiques, leurs jours d’absence de personnel ou de grève… ; la vie et la ville sont compliquées avec un jeune enfant, etc.

L’organisation du quotidien avec les enfants restent largement le lot des mères, même si, avec la généralisation du travail féminin à l’extérieur du foyer, les pères s’occupent davantage d’eux.

Mais l’organisation reste nettement du côté de la mère, peut-être parce que les mères… sont mères !

Au lieu de le nier, prenons-le plutôt en compte, pour le bénéfice des femmes !

Par exemple, avec des changements urgents tels que des congés revalorisés, de durée courte ou longue, au choix ; mais aussi des horaires cohérents avec la parentalité, des temps partiels facilités, des journées pour enfant malade plus nombreuses, etc.

Aujourd’hui, tout cela est largement insuffisant en France, contrairement à certains pays du Nord de l’Europe, par culture et habitude française, mais aussi par idéologie !

Evidemment, cela conduirait les pères à s’impliquer encore davantage.

 

Solitude des parents

La solitude des parents rend difficile l’accueil d’un enfant de plus.

La grande ville et la dispersion géographique isolent les parents, qui peinent à s’en sortir, ou même à profiter de leurs enfants.

C’est d’autant plus vrai que, désormais les grands-parents travaillent, en particulier du fait de la réforme Touraine.

En effet, même lorsqu’une femme a acquis tous ses trimestres à 59 ou 60 ans parce qu’elle a accumulé travail et maternité, elle doit attendre l’âge minimum requis, de 62, voire 64 ans ! C’est une incroyable injustice et cela accroît les difficultés des jeunes parents.

Par ailleurs, les lieux d’accueil pour les parents sont hétéroclites, mal connus et pour certains, ils ne sont même plus actifs.

 

La baisse du nombre de mariages

Les démographes spécialistes de la natalité soulignent que la courbe de la natalité est corrélée à celle du mariage. C’est si vrai que Slate indiquait récemment que « les gouvernements auraient tout intérêt à développer des politiques incitatives favorisant la formation de couples mariés. »

De fait, le mariage est perçu comme lié au projet de fonder une famille. Et juridiquement, il est plus sécurisant que le pacs et l’union libre.

Mais depuis la création du pacs, il y a 26 ans, le nombre de mariages a chuté de plus de 20% tandis que le nombre de pacs n’a cessé de croître.

En outre, fiscalement, et pour les droits sociaux et reproductifs, cela revient au même d’être en union libre, pacsé ou marié.

Or c’est le contraire qu’il faut faire : il faut rendre attractif le mariage !

 

III/ Les causes culturelles

Sur le plan culturel, la dévalorisation, du couple, de la parentalité, de la famille est presque systématique.

Emmanuel Macron, par exemple, n’a cessé de répéter, pendant le 1 er confinement de 2020, qu’il était dangereux que les enfants soient confinés en famille. Et quand il a reparlé des parents, c’était pendant les émeutes de juillet 2023, pour critiquer ceux qui laissent leurs enfants traîner dans la rue.

Certes, il y a des dysfonctionnements, et il faut faire de la prévention et sécuriser, mais c’est oublier que l’immense majorité des parents aiment leurs enfants et font tout ce qu’ils peuvent pour eux !

 

Les jeunes

Ils n’entendent que défiance vis-à-vis des parents, lourdeur et manque de partage des tâches parentales, critiques sur la famille.

Autre fait frappant :

Depuis des années, en éducation affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) le couple, la paternité, la maternité ne sont jamais évoqué, pas plus que le mariage et la parentalité en éducation morale et civique.

Mais pire encore, dès l’entrée en maternelle, il faut « déconstruire les stéréotypes de genre », c’est-à-dire lutter contre toutes les représentations que les petits peuvent avoir de l’homme et de la femme, c’est-à-dire de leur père et de mère.

Plus grave, pour dénoncer les inégalités, les filles sont décrites comme victimes et les garçons coupables.

Dès lors, comment donner envie d’avoir confiance en l’autre ? Comment ne pas instiller la peur dans le cœur des filles vis-à-vis des garçons ? Comment ne pas instiller un profond malaise dans celui des garçons vis-à-vis des filles ? Comment, dans ces conditions, leur donner envie de s’engager dans une vie de couple et de fonder une famille ensemble ?

Et de fait, la proportion des Français adultes qui vivent en couple ne cesse de se réduire, ce qui, évidemment, fait chuter la natalité.

Par ailleurs, l’évolution des modes de vie est majeure, en particulier depuis le début de l’utilisation massive des smartphones, applications et réseaux sociaux, c’est-à-dire depuis 2010-2012. Cette correspondance avec le retournement de la natalité française n’est pas un hasard.

Aujourd’hui, les jeunes adultes, passent en moyenne 4 heures par jour sur les écrans, auxquels s’ajoute 1h25 de TV pour les 15-34 ans.

Cela signifie moins d’activités extérieures, de temps social, de rencontres, et donc moins de projets de couples, d’unions et… d’enfants.

 

En outre, les réseaux sociaux incitent aux relations éphémères, et des sociétés, comme Gleeden, aux relations instables.

Or plus le couple est instable, plus les couples sont nombreux à se fracturer, moins ils auront d’enfants. Et moins les couples se forment et plus ils se forment tard, moins ils ont d’enfants.

Et de fait, la moyenne d’âge de la première maternité ne cesse de reculer. La moyenne actuelle de 29,1 an laisse évidemment moins de temps pour avoir d’autres enfants. C’est bien sûr lié aussi à l’allongement considérables des études, qui fait rentrer les jeunes dans la vie adulte de plus en plus tard.

Et plus encore, les médias et les réseaux sociaux valorisent sans cesse les tendances childfree ou nokids. Tout cela, on le sait, dans le contexte d’un avenir présenté comme sombre, voire apocalyptique (climat, effondrement économique et autres « peurs sur la ville »).

Dès lors, comment les jeunes pourraient-ils envisager d’avoir des enfants !?

 

Autre aspect en lien avec l’évolution des modes de vie

Avec la légalisation de l’autoconservation ovocytaires sans motif médical, en 2021, on a incité les femmes en âge de procréer à reporter la maternité à plus tard, à un âge où ce sera beaucoup plus difficile, même avec des ovocytes cryoconservés.

Mais c’est le contraire qu’il faut faire : non pas faire violences aux femmes en âge de procréer pour les adapter au marché du travail, mais adapter celui-ci aux femmes !

De même avec l’AMP pour les femmes seules : pour toutes les raisons bien connues des difficultés plus grandes qu’il y a à élever un enfant seule, cela défavorise une fécondité plus importante.

C’est donc le couple qu’il faut valoriser, auprès des femmes comme des hommes.

 

Conséquences

Sur les conséquences, j’insisterai sur un point :

Cette année, le solde démographique de la France est devenu déficitaire. Il en résultera un déséquilibre explosif dans les années qui viennent entre le nombre de personnes très âgées et le nombre de jeunes.

Or, du fait, de l’inertie démographique, cette situation va être difficile à corriger, puis cela deviendra presque impossible.

En effet, la réduction rapide du nombre de femmes en âge de procréer ne peut que conduire à une natalité très basse, même si l’indice de fécondité remontait.

 

Conclusion

La chute de la natalité, à laquelle s’ajoute l’inertie démographique, rendent extrêmement urgentes des réformes pragmatiques.

Le Syndicat de la Famille propose donc :
– d‘avoir une vision globale, qui prenne en compte tous les facteurs
– de cesser de multiplier et confondre les objectifs.
– d’adapter la vie professionnelle et l’espace public à la parentalité ;
– de tenir compte de la femme, dont le temps de fécondité est plus court et qui porte et met au monde les enfants. Cela doit être enfin valorisé, et non nié par idéologie.
– de laisser du temps aux femmes pour leur maternité, et de les aider à reprendre leur carrière et à retrouver la rémunération correspondante.
– de donner envie aux jeunes. La vie conjugale et familiale doit redevenir désirable.
– de prévenir les difficultés du couple pour réduire l’instabilité, laquelle est défavorable à la natalité, mais aussi à l’éducation.

Je vous remercie de votre écoute.

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