Au motif que le nombre de parents qui prennent un congé parental s’est effondré depuis quelques années, Emmanuel Macron voudrait revaloriser ce congé, mais il voudrait au passage le raccourcir considérablement. Selon lui, ce serait favorable à la natalité et à l’emploi des femmes.
En réalité, la baisse du nombre de bénéficiaires du congé parental, due au faible montant de son indemnisation (allocation PreParE), s’est accentuée à partir de 2015 : c’est l’année où le congé parental a été mis sous conditions de répartition entre le père et la mère, ce qui a conduit, dans les faits, à raccourcir sa durée d’une année entière sur les trois. Et 2015 est aussi l’année où le décrochage de la natalité française s’est accentué.
La suppression du congé parental est vivement dénoncée par Le Syndicat de la Famille. En effet, même s’ils le veulent, les parents ne pourraient plus garder leur tout-petit à la maison au-delà de 6 mois : le « congé de naissance » serait en effet de 3 mois maximum pour la mère et 3 mois maximum pour le père alors que le congé parental peut aller jusqu’à 3 ans !
Cela signifie, en outre, qu’il faudrait créer des dizaines, voire des centaines de milliers de places supplémentaires en EAJE (Etablissement d’accueil du jeune enfant) pour ceux qui ne pourront plus être gardés à la maison au-delà de 6 mois (aujourd’hui, environ 250.000 mères ou pères perçoivent l’allocation de congé parental, soit autant d’enfants qu’il faudra faire garder). Or c’est impossible aussi bien pratiquement que financièrement.
Les places de crèche sont en effet très difficiles à créer. Emmanuel Macron en avait annoncé 200.000, mais seules 20.000 ont été créées depuis 2017. Et 10.000 postes ne sont pas pourvus, le recrutement dans ce secteur étant en grande difficulté.
Et une place de crèche coûte 2.000 € par mois aux finances publiques, contre 448 € par mois pour le congé parental.
Si l’Etat voulait faire des économies, il devrait donc revaloriser le congé parental et maintenir sa durée : les parents auraient alors vraiment le choix et ils seraient plus nombreux à opter pour cette solution.
Revaloriser et maintenir la durée seraient en plus conformes aux préconisations du rapport « Les 1000 premiers jours », commandé par Emmanuel Macron lui-même. Ce rapport insiste en effet sur le temps passé par les parents auprès de leur enfant : il l’estime fondamental pour le développement et la primo-éducation du jeune enfant.
Du point de vue du travail des femmes, le congé de naissance serait aussi une catastrophe : en effet, la difficulté, et dans certains cas l’impossibilité de faire garder leur enfant conduira des mères à quitter leur emploi, tout en ne percevant plus d’allocation de congé parental : un comble !
Il est en outre évident que des parents renonceront à avoir un enfant, la question du mode de garde étant à la fois très anxiogène et très importante pour eux.
En 2015, lorsque le congé parental a été mis sous condition de répartition – deux ans pour un parent (la mère dans 96% des cas) et un an pour l’autre (année qui est perdue si elle n’est pas prise) –, il y a eu un décrochage du nombre d’allocataires : en effet, si l’autre parent (le père en général) ne prend pas ce congé, il faut alors trouver un mode de garde pour l’enfant, de son 2e anniversaire à son entrée à l’école (3 ans).
Nombre de parents ont carrément renoncé au congé parental, estimant plus facile de trouver une place de crèche tout de suite plutôt que d’avoir à chercher au bout de deux ans. Et d’autres ont carrément renoncé à avoir un enfant : ce n’est pas la seule cause de ce décrochage de 2015, mais ç’en est bien une : le graphique ci-dessus est éloquent à cet égard.
Ainsi, cette répartition imposée n’a rien changé à la proportion de pères prenant ce congé parental. Mais ses résultats ont été, dans les faits, une réduction d’un tiers de sa durée, une baisse du nombre d’allocataires et une baisse de la natalité française. La contrainte de répartition entre les parents doit donc être supprimée.
Quant à un congé de 6 mois seulement, il précarisait les mères et serait antinataliste. Le coût de cette mesure serait en plus très important pour les finances publiques.
Alors que la France s’inquiète de sa natalité, mais aussi de l’éducation des enfants, soutenir les parents dans leur rôle et respecter leur libre choix sont des priorités absolues : le congé parental doit être maintenu, revalorisé et libéré !
Données chiffrées Petite enfance
- 2,2 millions enfants de moins de 3 ans en 2022
- 56% des enfants de moins de trois ans sont gardés la majeure partie du temps par leurs parents en 2022
- Les autres (44%) sont accueillis soit chez une assistante maternelle (20%), soit dans un établissement d’accueil du jeune enfant EAJE (18%), soit par leur grands-parents, soit par un autre membre de la famille (3%), soit à l’école (2%) ou enfin par une garde à domicile (1%) en 2022.
- 458.000 places en crèches avec un manque de 10 000 personnels de crèche en 2023
- 770.000 assistantes maternelles dont 1/3 partira à la retraite en 2030
- + de 200 000 congés parentaux en 2022.
Situation année 2021 (la plus récente dont les statistiques sont complètes) :
- 742 100 naissances
- 968 enfants confiés en mode de garde formel
- Coût total : 14 milliards
- PreParE : 220 764 allocataires
- Budget total PreParE en 2021 = 770 millions €
- Congé maternité/paternité par an = 557.000 mères et 348.000 pères = 3,6 milliards € dont 357 millions € pour le congé de paternité.
Sources :
- Rapport Drees février 2023
- HCFEA, Accueil des enfants de moins de trois ans : relancer la dynamique, mars 2023
- Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale d’octobre 2022
- DSS/EPF, données comptables des régimes, mars 2022
- Direction de la sécurité sociale, Dossier statistique des prestations familiales, édition 2022